La crise sanitaire liée au covid-19 rabat toutes les cartes concernant le droit du travail, et spécialement les mesures de protection que les entreprises doivent mettre en place pour protéger leurs salariés.
Hors dispositif exceptionnel pour cause de coronavirus, les entreprises étaient déjà tenues à l’égard de leurs salariés par une obligation de sécurité, non qualifiée par son résultat mais par les mesures effectivement mises en œuvre pour protéger la santé des travailleurs.
L’obligation de sécurité de l’employeur est-elle renforcée à cause du coronavirus ?
Oui, car en prévision du risque de propagation du virus, l’employeur doit prendre des précautions et des mesures urgentes et inédites pour protéger ses salariés.
L’exigence de proactivité attendue des entreprises résulte de l’obligation générale de prévention des risques qui figure aux article L. 4121-1 et suivants du Code du travail.
Le Ministère du travail a d’ailleurs publié une liste de « questions / réponses » sur ce sujet le 28 février 2020, sans cesse actualisées depuis.
Ce renforcement de l’obligation de sécurité à l’égard des salariés en poste, qui ne peuvent être en télétravail, concerne aussi bien les entreprises du secteur privé que celles du secteur public : par exemple, les fonctionnaires de police ont droit à la même protection que les salariés du privé qui se rendent sur leur lieu de travail.
Quelle information donnée aux salariés ?
Il est essentiel de communiquer sur les mesures d’hygiène élémentaires à mettre en œuvre :
- se laver fréquemment les mains avec du savon ou les désinfecter avec une solution hydro-alcoolique,
- porter un masque, même si cette mesure fait débat, certains la préconisant et d’autres non,
- surveiller sa température,
- observer l’apparition d’éventuels symptômes d’infection respiratoire,
- respecter une distance physique d’au moins un mètre etc.
Cette information peut s’effectuer par tous moyens, affichage au travail, diffusion par courriel, etc.
Si un salarié suspecte être porteur du coronavirus, il doit en informer son employeur.
Ceci résulte de l’article L. 4122-1 du Code du travail qui dispose qu’« il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».
Le Ministère du travail a émis une recommandation suivant laquelle le salarié de retour d’une zone identifiée comme à risque doit en informer son employeur avant la reprise du travail. Cette information n’est pas requise si un proche du salarié revient de l’une de ces zones en ayant suivi les recommandations sanitaires.
Comment évaluer le risque ?
L’évaluation des risques auxquels sont exposés les travailleurs est conduite sous la responsabilité de l’employeur.
Cette évaluation est consignée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) (C. trav., art. R. 4121-1).
Le risque de pandémie doit donc désormais être pris en compte dans ce document unique et la cartographie des risques dans l’entreprise doit également être réétudiée avec précision, poste par poste.
Ainsi, la liste des postes présentant des risques particuliers doit être identifiés.
Une attention particulière doit être portée concernant les postes impliquant un contact régulier avec le public. Le médecin du travail et le CSE doivent être consultés (C. trav. art. R. 4624-23).
Quelles mesures prendre ?
Les mesures de prévention visent à maîtriser les risques évalués et doivent tenir compte du changement des circonstances et évidemment du coronavirus (C. trav., art. L 4121-1).
Si la nature de l’activité de l’entreprise ou le poste le permet, le télétravail est la solution à privilégier.
A défaut, les mesures de préventions doivent porter sur les éléments suivants :
- fourniture de savon ou solution hydro-alcoolique,
- limiter au strict nécessaire les réunions et limiter aussi les regroupements de salariés dans des espaces réduits,
- fourniture de masques, etc
- aménagement de poste ou des lieux de travail afin de respecter une distance physique minimale,
- entretien et nettoyage régulier des locaux,
- interdiction des déplacements professionnels susceptibles d’être différés.
S’agissant du port des masques, qui fait polémique, il faut rappeler que pour la pandémie grippale, le port de masque FFP2, qui protège son porteur, est recommandé s’agissant des salariés en contact étroit et régulier avec le public (Circ. DGT 2009/16, 3 juill. 2009).
Le port de masques étant recommandé par les autorités sanitaires pour la pandémie grippale, pourquoi ne l’est-il pas s’agissant du coronavirus ?
Si l’entreprise n’est pas en mesure de mettre en place ce type de mesures, mon conseil est simple et clair : il faut fermer provisoirement, sauf à se focaliser sur la seule logique économique en s’exposant à un risque majeur sur le plan sanitaire.
Les salariés ont également le droit d’exercer leur droit de retrait en l’absence mesures d’hygiène recommandées par les autorités sanitaires, et notamment l’OMS.
Concernant les restaurants d’entreprise, ils peuvent rester ouverts mais doivent être aménagés pour laisser un mètre de distance entre les places à table. Par ailleurs, l’étalement des horaires de repas est recommandé.
Que faire en présence d’un salarié atteint par le coronavirus ?
Le Code du travail pose un principe de non-discrimination en raison de l’état de santé du salarié (C. trav., art. L. 1132-1 et s.).
Si l’employeur peut proposer au salarié de suspendre son contrat de travail et de rester chez lui, en revanche, il ne peut pas lui imposer.
Il lui appartient de signaler sans délai et de prendre rendez-vous avec le médecin du travail afin que soit prise une décision liée à l’état de santé du salarié (C. trav., art. L. 4624-9.).
Le médecin du travail a un rôle exclusif de prévention des risques professionnels et d’information de l’employeur et des salariés.
Mais il ne peut prescrire, pour rappel, d’arrêt de travail.
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