Si les lois sur les 35 heures fêtent leurs vingt ans, elles cristallisent toujours une vive controverse et sont encore remises en cause. Comment ont-elles évolué ? Faut-il les supprimer ?
Que reste-t-il des 35 heures vingt ans après leur mise en place ?
L’histoire du temps de travail en France est avant tout celle d’un combat politique. Depuis la journée de 8 heures, la semaine de 40 heures du Front Populaire, des 39 heures et de la 5ème semaine de congés payés en 1982, à la plus récente : les 35 heures.
Les lois Aubry de 1999 et 2000 ont réduit la durée légale du travail de 39 heures à 35 heures.
Il est faux d’affirmer que les lois Aubry sur les 35 heures ont enfermé les modalités d’organisation des temps de travail dans un carcan réglementaire.
Les 35 heures sont et ont toujours été un simple seuil de déclenchement pour le paiement majoré des heures supplémentaires.
De la 36ème à la 43ème heure, ce taux majoré est de 25% pour passer à 50% à partir de la 44ème heure supplémentaire.
La durée légale du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine civile, 1 607 heures par an ou à 218 jours lorsque le salarié est soumis à une durée du travail fixée par une convention de forfait en jours.
Les 35 heures n’ont jamais été remises en cause à ce jour, ce sont les aménagements du temps de travail qui se sont multipliés.
Comment la législation a-t-elle évolué pour contourner la règle des 35 heures ?
Depuis 2000, il existait déjà de nombreuses possibilités pour déroger au système des 35 heures dès leur mise en place :
– Une convention de branche pouvait définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année (annualisation du temps de travail).
– Plusieurs dispositifs prévoyant notamment la réduction du temps de travail par l’attribution de journées ou de demi-journées de repos – dits jours RTT – sont toujours en vigueur.
– Conclure, sous certaines conditions strictes, trois types de conventions de forfait : la convention de forfait en heures sur une semaine ou sur un mois, la convention de forfait annuel en heures et la convention de forfait annuel en jours.
– Le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues, par un repos compensateur équivalent.
La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale a réformé de manière considérable les dispositifs antérieurs d’aménagement du temps de travail :
– en abrogeant les notions de cycle, modulation, jours de réduction du temps de travail,
– en faisant de l’accord collectif d’entreprise ou à défaut de branche, l’outil juridique permettant de définir les systèmes d’organisation du temps de travail,
– en libéralisant le recours aux heures supplémentaires en permettant le dépassement du contingent sans avoir à solliciter l’autorisation de l’Inspection du Travail
– en élargissant et en assouplissant les différentes conventions de forfait en heures et en jours en permettant notamment un dépassement du forfait en jours défini légalement ou conventionnellement.
La loi dite « loi travail » du 8 août 2016 a renforcé ces dispositifs en repensant l’architecture des règles en matière de durée du travail.
La priorité est clairement donnée à l’accord d’entreprise en donnant à la branche un rôle purement supplétif et en fixant une subdivision des dispositions relatives à la durée du travail en trois parties.
Philosophie de la loi, elle vise à faire primer l’accord d’entreprise, majoritaire, sur la convention de branche pour la plupart des dispositions concernant le temps de travail, ce que les opposants au texte voient comme une inversion de la hiérarchie des normes.
Pour prendre des exemples particulièrement emblématiques de cette approche :
1/ Le taux de majoration des heures supplémentaires est désormais fixé par accord d’entreprise, à défaut par accord de branche. Les ordonnances Pénicaud ont autorisé les entreprises à ne plus majorer les heures supplémentaires à 25 % (sans aller en dessous de 10 %).
Je ne connais aucune PME qui a réussi à faire baisser la majoration des heures supplémentaires par accord d’entreprise.
2/ Un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine peut être mis en place par accord d’entreprise. Celle-ci ne peut dépasser trois ans en cas d’accord collectif.
Faute d’accord d’entreprise, l’employeur peut aménager la répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail, dans la limite de 9 semaines pour les entreprises employant moins de 50 salariés et dans la limite de 4 semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus (C. trav., art. L. 3121-45).
3/ Les durées hebdomadaires maximales sont de 48 heures sur une même semaine (Article L3121-20) ; 44 heures lissées sur 12 semaines consécutives (Article L3121-22). Mais ces durées peuvent être respectivement portées à :
60 heures avec autorisation de l’autorité administrative et sur avis du Comité d’Entreprise (CE) ou des Délégués du Personnel (DP) (Article L3121-21) ;
46 heures sur 12 semaines consécutives par négociation collective (Article L3121-23) ou sur autorisation de l’autorité administrative (Article L3121-24).
Aujourd’hui, qui travaille encore aux 35 heures ?
La plupart des employés et agents de maitrise et les cadres dits intégrés qui n’ont pas réellement d’autonomie dans leur temps de travail.
Dans la pratique, près de 70% des salariés travaillent plus que 35 heures, soit en réalisant des heures supplémentaires majorées, soit sous forme de convention de forfait jours avec des durées hebdomadaires de travail supérieures à 35 heures.
La durée moyenne de travail en France est de 39,5 heures par semaine.
Les cadres autonomes rémunérés pour un nombre de jours sur l’année, qui obtiennent en justice la nullité de leur forfait-jours, bénéficient d’heures supplémentaires comme s’ils étaient rémunérés pour 35 h. La condamnation des employeurs peut-être très coûteuse.
Peut-on dire que les 35 heures ont été détricotées ?
Oui, et la complexité actuelle des règles qui régissent la durée du travail n’est pas vraiment contestable.
Elle trouve sa source dans le nombre excessif de lois (près de 25 en vingt ans !) et dans l’absence d’un système d’ensemble cohérent sur le sujet.
Mais au-delà des effets d’annonce et de la surenchère politique, la réforme des 35 heures avait déjà eu lieu depuis maintenant vingt ans, au gré de multiples lois qui ont permis aux entreprises de trouver des solutions satisfaisantes.
Si elles ont été « digérées » tant bien que mal par les entreprises, le monde politique, lui, remet sans cesse sur la table cette réforme emblématique qui n’a cessé d’être modifiée et assouplie depuis sa mise en place.
Les 35 heures sont-elles aujourd’hui remises en cause ?
Très clairement et il y a deux solutions proposées :
Soit revenir aux 39 heures hebdomadaires.
Mais puisque nous sommes passés de 39 à 35 heures sans perte de salaire, il faudrait logiquement passer de 35 à 39 heures sans hausse de salaire. Faire machine arrière semble donc très compliqué.
Soit supprimer la durée légale de travail et laisser aux entreprises et par défaut aux branches professionnelles, la liberté de fixer la durée hebdomadaire de travail dans la limite des 48 heures plafond imposées par l’Union européenne.
C’est une idée qui fait son chemin chez les ultra-libéraux et semble-t-il chez le président Macron.
Revenir sur la réduction du temps de travail était d’ailleurs une idée avancée en 2019 du côté du gouvernement pour financer la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.
Reste qu’une majorité des français est attachée au maintien de la loi sur les 35 heures.
Amélie dit
Article très intéressant sur la thématique des 35 heures ! La réflexion est ouverte sur l’avenir des 35 heures et mérite d’être soulevée: qui aujourd’hui travaille encore à 35 heures? Les aménagements sont déjà nombreux en la matière !