Les accords d’entreprise « offensifs », qui succèdent aux accords « défensifs » qui n’ont jamais marché, constitueraient le remède miracle pour créer de l’emploi.
Au-delà des slogans, ces accords en vue de « favoriser l’emploi » risquent surtout d’avoir l’effet inverse que celui escompté.
A y regarder de plus près en effet, en cas de refus des salariés d’accepter les modifications de leur contrat imposées par de tels accords, ceux-ci risquent non point de déboucher sur la préservation ou le développement de l’emploi, mais sur son déclin.
État des lieux, loin des effets d’annonce.
L’échec cuisant des accords « défensifs »
La loi du 14 juin 2013- dite de sécurisation de l’emploi -, a prévu la possibilité de conclure des accords (« défensifs« ) de maintien de l’emploi (C. trav., art. L. 5125-1 et s.) afin d’ajuster, par la négociation, l’organisation du travail aux variations de l’activité et jouer sur les paramètres salaires ou durée du travail.
La mise en œuvre d’un tel accord défensif nécessite que l’entreprise connaisse de graves difficultés économiques conjoncturelles (C. trav., art. L. 5125-1).
La loi a prévu que lorsqu’un salarié refuse l’application de l’accord à leur contrat de travail, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse (C. trav., article L. 5125-2)
Pas plus que les accords de mobilité interne, les accords défensifs de maintien de l’emploi n’ont obtenu aucun succès.
La raison est toute simple : le champ de ces accords est plus restrictif et donc sujet à davantage d’aléas en cas de contentieux que celui du licenciement pour motif économique lui-même.
Les accords défensifs de maintien de l’emploi supposent en effet la démonstration « de graves difficultés économiques conjoncturelles » (C. trav., art. L. 5125-1, I), notion dont l’appréciation est sujette à d’interminables interprétations et plus stricte que la notion de « difficultés économiques » motivant un licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-3).
Place maintenant aux accords « offensifs » !
Déjà, pourquoi « offensif » ? Car ces accords n’auraient pas pour objectif de maintenir l’emploi mais d’en créer…soit.
La loi du 8 août 2016 – dite loi El Khomri ou loi Travail –institue donc un nouveau type d’accord « en vue de la préservation ou du développement de l’emploi » (C. trav., art. L. 2254-2).
La règle est énoncée au premier alinéa de l’article L. 2254-2, I du Code du travail : les stipulations de l’accord « se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail ».
En clair, ces accords « offensifs » peuvent avoir les mêmes effets que les précédents accords « défensifs », c’est à dire modifier – notamment – les règles concernant la durée du travail ou les heures supplémentaires, mais aussi sur toutes les conditions de travail, comme l’aménagement du temps de travail, les avantages accordés aux salariés, la mobilité, etc.
Ces accords « offensifs » seront plus simples à conclure que les accords « défensifs« , dans la mesure où il n’est pas nécessaire de caractériser de graves difficultés économiques conjoncturelles, qui peuvent donc ne pas exister, ni même être prévisibles.
L’employeur doit transmettre aux organisations syndicales signataires toutes les informations nécessaires au diagnostic préalable à cet accord.
Ils sont soumis à la nouvelle condition de majorité : à savoir, une signature par les organisations représentatives ayant obtenu non plus 30 % mais 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections. Par ailleurs, si ce pourcentage n’est pas atteint, les organisations ayant obtenu 30 % pourront demander l’organisation d’un référendum d’entreprise auprès des salariés, qui devront le valider à la majorité. Faute d’approbation, l’accord sera réputé non écrit.
À défaut de délégué syndical, ils peuvent être négociés par des salariés mandatés ou non, élus ou non.
Le législateur affirme ici la primauté de l’accord sur le contrat individuel de travail. Cette prévalence de l’accord peut donc conduire à la modification du contrat de travail alors qu’en principe l’employeur ne peut l’imposer au salarié.
En principe, ces accords « offensifs » ne peuvent avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié (C. trav., art. L. 2254-2, I, al. 4).
Cette affirmation doit être nuancée d’emblée, car si le temps de travail augmente sans incidence sur le salaire, c’est la rémunération horaire qui diminue. Mais on ne touche pas en théorie au salaire de base….
La mise en œuvre de l’accord de préservation ou de développement de l’emploi peut entraîner une modification du contrat de travail du salarié que ce dernier a la faculté de refuser.
Ce refus doit revêtir une forme écrite (C. trav., art. L. 2254-2, II, al. 1) dont les modalités seront précisées par voie réglementaire (C. trav., art. L. 2254-2, III, dernier al.). Face à l’opposition du salarié, l’employeur peut engager une procédure de licenciement.
Cette procédure emprunte les dispositions du licenciement pour motif économique applicable aux licenciements de moins de dix salariés dans une même période de trente jours.
On y retrouve l’obligation de l’entretien préalable et les règles de notification du licenciement (C. trav., art. L. 1233-11 à L. 1233-15). Les conséquences sont claires : certaines dispositions liées à la consultation du comité d’entreprise, celles sur l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi sont évincées.
Si le salarié refuse la modification de son contrat issue de l’accord, l’employeur pourra engager contre lui une procédure de licenciement, qui reposera alors sur un motif spécifique, constituant une cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 2254-2, II, al. 2). Point trait.
Par conséquent, un tel licenciement prive le salarié de toute action sur le fond, mais cela ne semble gêner personne…
Pour lot de consolation, la loi du 8 août 2016 institue un nouveau dispositif dont pourra bénéficier le salarié licencié : le parcours d’accompagnement personnalisé (PAP) (C. trav., art. L. 2254-3 et s.).
Proposé lors de l’entretien préalable au licenciement par l’employeur, ce dispositif est à l’image du contrat de sécurisation professionnelle qui s’applique dans les entreprises de moins de mille salariés (C. trav., art. L. 1233-65 et s.).