La loi Macron du 6 août 2015 avait pour objectif de moderniser la procédure prud’homale. Elle est surtout parvenue à rendre encore plus complexe une procédure qui ne devrait pas l’être.
Petit rappel général avant d’examiner les détails : le Conseil de prud’hommes est une juridiction très particulière, puisque les affaires ont vocation à être jugées par des conseillers prud’homaux, paritairement élus (mais désignés par les partenaires sociaux représentatifs à partir de 2017), sans présence de magistrat professionnel.
Chaque section du Conseil de prud’hommes est composée de deux conseillers prud’homaux employeurs et deux conseillers prud’homaux salariés. C’est la fameuse parité prud’homale.
Ces Conseillers ne possèdent le plus souvent aucune formation juridique initiale, alors que le droit du travail s’est complexifié à outrance. Outre cet aspect qui n’a rien d’anecdotique, la procédure est lourde et fastidieuse :
– la conciliation préalable ayant montré ses limites (le taux de conciliation est inférieur à 6 %),
– le départage accroît considérablement et inutilement les délais de jugement,
– les décisions des conseils de prud’hommes sont souvent discréditées,
– la justice sociale est lente et déconnectée du rythme du monde du travail (en moyenne 15 mois pour obtenir un jugement, avec une justice très lente en région parisienne et un peu plus rapide en province),
– l’absence d’une véritable procédure écrite ne favorise pas le respect des délais,
– la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation est instable et incertaine, outre qu’elle est parfois ignorée par les conseillers prud’homaux eux-mêmes.
En pratique, la procédure devant le Conseil de prud’hommes se déroule en deux étapes : une phase de conciliation avec une audience de conciliation qui est, en principe, un préliminaire obligatoire avant que l’affaire puisse être jugée par le Bureau de jugement.
Ce n’est qu’en cas de défaut de conciliation des parties que l’affaire est renvoyée en bureau de jugement.
La procédure prud’homale a été réformée par la loi Macron du 6 août 2015 pour toutes les actions engagées après le 7 août 2015.
Cette loi a introduit des modifications concernant l’étape de conciliation en conférant au bureau de conciliation de nouvelles prérogatives. Pour dire les choses sans détour, cette réforme a rendu l’accès au juge beaucoup plus contraignant et a alourdi la procédure, alors qu’elle ne brillait déjà pas par sa simplicité.
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La saisine du Conseil de prud’hommes doit être maintenant motivée
Alors que la procédure est orale, la réforme la rend beaucoup plus « écrite » et moins simple. Saisir le Conseil de Prud’hommes ne se fera plus par simple formulaire, une procédure devra être respectée.
De fait, les conseils de prud’hommes connaissent beaucoup moins d’affaires depuis la réforme : le but est de dissuader les salariés de saisir la justice prud’homale, puisque l’assistance d’un avocat devient quasi obligatoire, bien que le fait de devoir motiver une requête ne soit pas si compliqué en réalité.
Comment s’y prendre concrètement ? La saisine est faite par requête remise ou adressée au greffe du Conseil de prud’hommes (article R 1452-2 du Code du travail).
A peine de nullité la requête comporte les mentions prescrites à l’article 58 du Code de procédure civile.
Elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci.
- Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
- La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre un exemplaire destiné à la juridiction.
- Le greffe communiquera au demandeur la date d’audience et la requête avec le bordereau de pièces.
- Le demandeur est incité à communiquer ses pièces au défendeur avant la date de conciliation car si le défendeur ne comparait pas une décision pourra être rendue en son absence à la condition qu’il ait eu connaissance des pièces et de moyens.
Renforcement des pouvoirs du bureau de conciliation et d’orientation (BCO)
Il résulte de l’article L 1454-1 du Code du travail que le bureau de conciliation et d’orientation (BCO) est chargé de concilier les parties.
En cas d’échec de conciliation, alors que jusqu’à présent le bureau de conciliation ne pouvait que renvoyer le dossier en bureau de jugement dans sa composition classique (deux conseillers prud’homaux employeurs et deux salariés), la réforme a introduit plusieurs possibilités pour le BCO.
Le BCO peut orienter l’affaire devant l’une des 3 formations de bureau de jugement :
1) Le bureau de jugement, sous sa forme actuelle composé de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers prud’hommes salariés ;
Ou bien et c’est nouveau :
2) Lorsque le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire : La formation restreinte du bureau de jugement composée d’un conseiller employeur et d’un conseiller salarié qui doit statuer dans un délai de 3 mois.
Cette disposition ne s’appliquant que si les parties sont d’accord, il est à douter que l’employeur souhaite que le dossier soit traité rapidement pour un licenciement notamment, peut-être que pour une résiliation judiciaire quand le salarié est toujours en poste, les parties seront d’accord pour que le dossier soit examiné rapidement.
3) La formation du bureau de jugement de départage composée de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers prud’hommes salariés, et présidée par un magistrat professionnel désigné par le TGI.
Il faut que les parties soient d’accord. Il n’est pas certain qu’elles s’accordent sur la saisine après la conciliation du juge départiteur sans passer par le Conseil de prud’hommes. En théorie, cette possibilité permet d’éviter un jugement de partage de voix, qui oblige les parties à replaider leur dossier devant le juge départiteur.
Mais pourquoi ne pas avoir supprimé cette étape en prévoyant simplement qu’en cas de partage de voix, l’affaire est distribuée directement devant le Cour d’appel ? Très honnêtement, pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire compliquer… le fait de devoir replaider le dossier devant un juge départiteur en cas de partage de voix est tout simplement inaudible pour les justiciables, car avouons le, cela ne sert strictement à rien. La justice prud’homale relève encore d’un autre âge… c’est son charme discret diront certains.
Pour revenir à la procédure, la formation saisie connaît de l’ensemble des demandes des parties, y compris des demandes additionnelles ou reconventionnelles.
Le renforcement des pouvoirs du BCO concerne également le cas où une des parties ne comparaît pas lors de l’audience de conciliation.
Aux termes de l’article L1454-1-3 du code du travail : si, sans motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou n’est pas représentée, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.
Quel sera le motif légitime accepté par le Conseil de prud’hommes ? La pratique nous le dira… En tout cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue dans ce cas, en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte.
Dans la pratique, c’est l’employeur – défendeur qui ne comparaît pas le plus souvent.
Dorénavant, s’il n’est pas valablement représenté et s’il ne comparaît pas sans avoir pris le soin de justifier d’un motif légitime, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu à son encontre même en son absence et sans qu’il ait pu faire valoir ses arguments.
Ce risque ne peut néanmoins se réaliser que si le demandeur, salarié, a régulièrement communiqué ses pièces et conclusions.
La nouvelle mise en état des dossiers au conseil de prud’hommes
Jusqu’à présent, la mise en état des dossiers n’était pratiquée que par certains conseils de prud’hommes. Aux termes de l’article L1454-1-2 le bureau de conciliation et d’orientation assure la mise en état des affaires.
Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent être désignés pour que l’affaire soit mise en état d’être jugée. Ils prescrivent toutes mesures nécessaires à cet effet
Des délais seront fixés pour communiquer les prétentions, moyens et pièces (après avis des parties, les parties pourront donc demander de délais plus longs si l’affaire le nécessite).
Le bureau de conciliation et d’orientation peut inviter les parties à fournir des explications sur le litige ou les mettre en demeure de produire dans le délai qu’il détermine tous les documents ou justifications propres à éclairer le Conseil de prud’hommes.
L’article L1454-2 du Code du travail dispose qu’à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, le bureau de conciliation et d’orientation peut radier l’affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement.
L’article R1414-19 du Code du travail dispose que le bureau de jugement peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.
Aussi, si le défendeur conclu tardivement, il est possible de solliciter le rejet de ses pièces et conclusions devant le bureau de jugement. Tout cela est parfaitement théorique, car la procédure reste orale, et chaque conseil de prud’hommes agira en fonction de ses habitudes ou de ses usages…. Il s’agit d’une gestion du calendrier procédural au doigt mouillé….
L’article R1454-2 du Code du travail dispose également qu’en cas de non-production des documents ou justifications demandés, il peut renvoyer l’affaire à la première date utile devant le bureau de jugement. Ce bureau tire toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus. Bref, c’est le flou le plus total.
En théorie, si certaines pièces jugées utiles pour comprendre le litige ne sont pas produites, le Conseil de prud’hommes pourra légitimement penser que la partie qui ne produit pas cette pièce ou ces pièces cherche à lui cacher des éléments utiles pour le dossier, en tirer toute conséquence signifie condamner la partie défaillante ou la débouter de ses demandes.
Le bureau de conciliation et d’orientation peut désigner un ou deux conseillers rapporteurs pour procéder à la mise en état de l’affaire. Lorsque deux conseillers sont désignés, l’un est salarié, l’autre est employeur (article R 1454-3 et article R 1454-4 du code du travail).
En pratique, cette disposition sera très rarement appliquée, faute de temps et de moyens. Ce sont finalement les deux faiblesses actuelles de la justice en général.
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